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décidés à parler pour tenter de sauver leur vie. Ayant échappé par miracle aux tueurs de Toto Riina, Tommaso Buscetta sera ainsi l’un des tout premiers repentis de l’histoire de la Mafia. Ses informations permettront aux juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino –que Riina fera tous deux assassiner en 1992– de mettre les enquêteurs sur la piste de la Bête et de finalement l’arrêter en 1993. Coupé du monde extérieur, Toto Riina purge toujours sa peine dans une prison de haute sécurité. Affable, il s'entendrait au mieux avec ses gardiens…
Tristan Gaston-Breton
Historien d'entreprises (tgb@historyandbusiness.fr)
Illustrations : Pascal Garnier; Louise Lebert (pp. 5 et 12) / Crédit photo : AFP
Devenu le patron des Corleonais, la Bête entend en finir avec les vieilles familles de Palerme.
Dans la seule journée
du 30 novembre 1982, douze hommes d’honneur sont abattus.
Riina commet son premier meurtre à l’âge de dix-huit ans pour le compte du clan des Corleone.
Lorsque l’Etat italien se décide enfin à réagir, Toto Riina lui déclare purement et simplement la guerre : le 3 septembre 1982, quelques semaines après sa nomination comme préfet chargé de la lutte contre la Mafia, le général Alberto dalla Chiesa est assassiné avec son épouse…
La «Mattanza»
Combien de victimes au total ? Sans doute un bon millier en comptant alliés et fidèles de Toto Riina. Car non content de liquider les Parlermitains, la Bête s’est retournée contre ses propres partisans, soupçonnés de vouloir le trahir. Si elle a assis le pouvoir de Toto Riina, cette boucherie a aussi provoqué des réactions en chaîne. Au sommet de l’Etat Italien d’abord, bien décidé désormais à porter le fer contre Cosa Nostra. Ce sera tout l’enjeu du maxi-procès de Palerme, organisé en 1986 et qui débouchera sur la condamnation de 475 mafiosi.
Mais la seconde guerre de la Mafia – la «Mattanza », comme on l’appelle en Sicile – a aussi jeté dans les bras des autorités nombre de fidèles de Stefano Bontade et de Salvatore Inzerillo,
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Même les familles ne sont pas épargnées : le frère d’Inzerillo est ainsi retrouvé mort dans le New-Jersey et son fils de quinze ans est abattu après que les tueurs lui eurent coupé la main. Un véritable carnage.
Pour l’occasion, Toto Riina a reconverti un appartement de Palerme en salle de torture. Là officie l’un de ses fidèles, Filippo Marchese, une brute épaisse qui aime étrangler lui-même ses victimes avant de démembrer leur corps et de les dissoudre dans l’acide.
refuge, accélérant ainsi la reconversion de Cosa Nostra dans le trafic de stupéfiants. A la fin des années 1970, les mafiosi siciliens contrôlent déjà la transformation, le transport et la distribution de 80 % de l’héroïne consommée sur la côte Est des Etats-Unis, soit environ 4 tonnes par an. La manne de la drogue a provoqué une fièvre de constructions et d’investissements dans toute la Sicile.
L’araignée tisse sa toile
C’est cette manne de centaines de millions de dollars, que Toto Riina rêve de capter. Parce que les mafieux palermitains les regardent de haut, parce qu’ils n’ont pas les bons réseaux outre-Atlantique et qu’ils ne contrôlent pratiquement aucune des raffineries clandestines, les Corleone sont, en effet, exclus du trafic d’héroïne. Une situation insupportable pour la Bête. Mais l’homme sait qu’il lui faut procéder par étape. Pendant toute la seconde moitié des années 1970, il s’emploie donc à encercler ses rivaux, enrôlant un par un leurs partisans et assassinant discrètement leurs principaux soutiens dans la haute fonction publique –juges, procureurs, carabiniers…
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ont commencé à le contrôler au début des années 1970, lorsque Gaetano Badalamenti, abandonnant la contrebande de cigarettes qui avait fait les beaux jours de Cosa Nostra depuis les années 1940, a commencé à mettre en place, outre-Atlantique, une filière d’exportation de la drogue connue plus tard sous le nom de «Pizza Connection». Achetée directement en Turquie, l’héroïne était distribuée aux Etats-Unis par l’intermédiaire d’un réseau de pizzerias tenues par des immigrés siciliens de fraîche date, à l’insu des vieilles familles italo-américaines.
Mais le véritable tournant se produit un an après l’intronisation de Toto Riina à la tête des Corleonais. En 1975, en effet, la «French Connection» (un vaste réseau de raffineries clandestines basées à Marseille et exportant vers les
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Malgré le mépris qu’elles éprouvent pour les Corleonais – de vulgaires paysans à leurs yeux –, elles ont pris le parti de traiter d’égal à égal avec Luciano Leggio et de l’intégrer au sein des instances dirigeantes de la Mafia sicilienne. Voilà désormais le capo de Corleone, l’ancien gardien de Michele Navarra, s’affichant aux côtés de Stefano Bontade, de Gaetano Badalamenti et de Salvatore Inzerillo, les trois principales têtes de Cosa Nostra dans l’île. Celles-là mêmes que Toto Riina allait s’acharner à décapiter…
La «Pizza Connection»
Les prémices du grand massacre de 1981-1982 commencent en 1974. Cette année-là en effet, Luciano Leggio, rattrapé par son passé, est arrêté et condamné à la prison à vie. Il mourra derrière les barreaux en 1993. L’heure de Toto Riina a sonné. Devenu le patron des Corleonais, la Bête entend en finir avec les vieilles familles de Palerme.
L’enjeu : les centaines de millions de dollars générés par le trafic mondial de la drogue. Ce trafic-là, les mafieux palermitains
Américains se sont appuyés sur elle pour contrer l’influence communiste. A Corleone, le capo (le chef) de Cosa Nostra est un médecin, Michele Navarra. Directeur de l’hôpital local, celui que les habitants de la ville appellent «Notre Père» contrôle une quinzaine d’hommes de main. Parmi eux, le rejeton d’une famille de paysans misérables, Luciano Leggio.
Né en 1925, il est chargé des basses besognes de Navarra (contrebande, cambriolages, racket, assassinats…), qui l’a embauché comme gardien de l’une de ses propriétés. Mais Leggio est ambitieux. Intelligent, il a monté en secret son propre trafic de revente de bétail volé. Lorsque son capo l’apprend, il décide d’en finir avec lui. Leggio sera plus rapide : en 1958, Navarra est criblé de balles à bord de sa voiture. Meurtre audacieux, tant le défunt était une figure respectée au sein de Cosa Nostra et même du monde politique local. Lucide, Luciano Leggio comprend alors qu’il n’a d’autre choix que de poursuivre son offensive : dans les années qui suivent, il entreprend de liquider un à un tous les partisans de Michele Navarra.
C’est dans ces circonstances que commence à s’illustrer Toto Riina, passé avec armes et bagages dans le camp de Leggio.
Méthodique, d’un calme à toute épreuve et doté d’un sourire énigmatique, il aurait supprimé lui-même jusqu’à quarante personnes ! Lorsque le massacre s’achève enfin, la ville de Corleone a gagné un surnom : «La Tombe». Et Leggio le pari qu’il s’était fixé : devenir le capo incontesté des environs. A Palerme, capitale de l’Honorable Société, les vieilles familles ont pris acte de la liquidation de Navarra et de ses partisans.
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Ce 23 avril 1981, c’est l’anniversaire de Stefano Bontade. A quarante-deux ans, cet homme au physique massif surnommé «le prince de Villagrazia», du nom du quartier de Palerme qu’il contrôle, est l’un des plus puissants chefs de la Mafia sicilienne, tout comme l’étaient, avant lui, son père et son grand-père. Ce jour-là, la fête terminée, Bontade monte dans son Alfa Romeo flambant neuve pour rentrer chez lui, accompagné de deux gardes du corps. Il n’ira pas très loin : stoppés à un carrefour, le véhicule et ses occupants sont criblés de balles de kalachnikov. Les policiers auront le plus grand mal à identifier Stefano Bontade, dont le crâne a littéralement volé en éclats sous l’impact des balles. Ainsi commence la seconde guerre de la Mafia. Elle va être d’une sauvagerie inouïe…
Les premiers pas de la «Bête»
L’homme qui a commandité le meurtre de Bontade s’appelle Toto Riina. A Palerme et dans toute la Sicile, on le surnomme «la Bête» en raison de sa violence. Depuis une dizaine d’années, il est le véritable patron du clan des Corleone, du nom d’une petite ville de Sicile située à une cinquantaine de kilomètres de Palerme, dont le romancier Mario Puzo s’inspirera pour le personnage principal du «Parrain».
Né en 1930, il a commis son premier meurtre à l’âge de dix-huit ans, pour le compte, précisément, des Corleone, avant de monter dans la hiérarchie du gang. Si, en ce début des années 1980, il a décidé de s’en prendre à Stefano Bontade, c’est pour une raison bien précise : il entend asseoir la domination des Corleone sur toute la Sicile. Avec, en arrière-plan, la mainmise sur le trafic mondial de l’héroïne.
Pour comprendre le gigantesque massacre des années 1981-1982, il faut remonter loin en arrière, en 1945. Comme partout en Italie, la Mafia – à laquelle Mussolini a porté des coups terribles – a retrouvé une grande partie de son poids depuis que les
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Avec l’assassinat de Stefano Bontade, le 23 avril 1981, débute à Palerme un véritable carnage, qui fera, en quelques mois, un bon millier de morts. Une boucherie qui va permettre au parrain Toto Riina d’asseoir sa domination sur toute la Sicile et de mettre la main sur le trafic mondial d’héroïne.
1981-1982 :
la seconde guerre
de la Mafia
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A Palerme, les vieilles familles ne voient rien venir. Sûres de leur pouvoir, elles laissent passer l’occasion d’abattre Toto Riina.
Le réveil va être brutal. Le meurtre de Stefano Bontade, le 23 avril 1981, ébranle la ville. Mais ce n’est qu’un début. Quelques jours plus tard, le 11 mai, c’est au tour de Salvatore Inzerillo d’être fauché par une rafale de fusil-mitrailleur. Comprenant enfin ce qui se passe, Gaetano Badalamenti se réfugie aux Etats-Unis, où il se fait oublier. Il mourra de mort naturelle en prison en 2004. Quelques semaines ont suffi à Toto Riina pour décapiter la faction adverse.
Rage folle
Mais il ne s’en tient pas là. Animé d’une rage folle, la Bête entreprend de liquider tous les partisans de Bontade et d’Inzerillo. Dans le courant de l’été 1981, 200 hommes sont ainsi assassinés dans la province de Palerme. Dans la seule journée du 30 novembre 1982, douze hommes d’honneur sont abattus. Le massacre s’étend aux Etats-Unis où ont trouvé refuge les derniers fidèles de Stefano Bontade et de Salvatore Inzerillo.
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